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Les ados américains qui contredisent leur orientation sexuelle ont un risque suicidaire 70 % plus élevé

(Blogmensgo, blog gay du 22 mars 2018) Qu’ils soient homos ou hétéros, les adolescents américains dont l’orientation sexuelle est contredite par les apparences présentent un risque suicidaire de 46,3 % contre 22,4 % chez celles et ceux dont la sexualité correspond à leur orientation sexuelle. Après pondération et redressement statistiques, ces ados ayant une « discordance de l’orientation sexuelle » sont 70 % plus susceptibles d’idées ou tentatives suicidaires que leurs homologues dont le comportement sexuel est conforme à leur orientation sexuelle. Telles sont les conclusions d’une étude menée par des chercheurs des CDC (Centers for Disease Control and Prevention d’Atlanta (Géorgie), dirigée par Francis B. Annor et publiée par l’American Journal of Preventive Medicine.

Une étude unique en son genre

Le périmètre de l’étude

Francis Annor et son équipe ont travaillé sur un questionnaire autoadministré portant sur 99 éléments, qu’ont entièrement rempli 15.624 élèves d’établissements publics et privés dans des classes allant de la troisième jusqu’à la terminale (soit, selon le système scolaire local, 9th-12th grades) disséminés dans les 50 États plus le District de Columbia. L’étude n’a ensuite retenu qu’un échantillon de 6.790 élèves homos ou hétéros ayant déjà eu au moins un rapport sexuel.

Les chercheurs d’Atlanta pensent qu’il s’agit de la première étude jamais consacrée au risque suicidaire chez les adolescents américains, les études similaires se focalisant presque toutes sur la population générale, en particulier adulte. D’une manière certaine, il s’agit de la première étude à avoir d’une part affiné statistiquement la définition méthodologique de l’orientation sexuelle, d’autre part confronté la discordance de l’orientation sexuelle et le risque suicidaire chez les ados américains (détails ci-dessous).

Le questionnaire incluait deux questions relatives à la sexualité et trois questions concernant le suicide.
Les répondants devaient définir leur propre identité sexuelle (homo, hétéro ou bi, donc à ne surtout pas confondre avec l’identité de genre) puis l’identité sexuelle de leurs partenaires actuels ou antérieurs (toujours du même sexe, toujours de l’autre sexe, ou des deux sexes). La « discordance de l’orientation sexuelle » (sexual orientation discordance) se caractérise par le fait d’avoir une sexualité qui ne correspond pas à l’identité sexuelle : un gay ou une lesbienne qui couche avec une personne de l’autre sexe ou avec des personnes des deux sexes, ou bien un hétéro qui couche avec des personnes du même sexe ou des deux sexes.
Le risque suicidaire ne porte que sur les douze mois ayant précédé l’administration du questionnaire (en 2017) et s’échelonne de la simple pensée suicidaire à la préparation d’un suicide et à la tentative de suicide.

Principaux résultats

Les chercheurs ont travaillé selon le postulat que l’orientation sexuelle résulte de trois facteurs : l’identité sexuelle (homo/hétéro/bi), le comportement sexuel, l’attirance sexuelle. Si la discordance de l’orientation sexuelle porte en principe sur une contradiction entre deux facteurs, l’équipe d’Atlanta a limité cette discordance à une incohérence entre l’identité sexuelle et le « contact sexuel ».

Parmi le panel final de 6.790 élèves, quelque 3,9 % attestent une discordance de l’orientation sexuelle. Mais parmi les 2,2 % d’élèves qui se disent gay ou lesbienne, pas moins de 31,9 % présentent une discordance de l’orientation sexuelle. Parmi les 97,8 % se considérant comme hétéros, seuls 3,3 % présentent une discordance de l’orientation sexuelle.

Les différences les plus notables s’observent sur le facteur de risque suicidaire élevé. Ce haut niveau de risque concerne plus les filles (29,5 % du panel féminin) que les garçons (18,4 % du panel masculin). La proportion de risque élevé varie du simple au double selon qu’il s’agit d’homos (45,9 %) ou d’hétéros (22,8 %). La ventilation au regard de la discordance de l’orientation sexuelle accentue encore la différence, puisque le niveau de risque élevé concerne 46,3 % des individus avec discordance et seulement 22,4 % des panélistes sans discordance.

Deux facteurs semblent susceptibles d’élever le niveau de risque suicidaire. Primo, le harcèlement à l’école, puisque le fort risque suicidaire accompagne 42,2 % des personnes harcelées, soit plus du double par rapport aux personnes non harcelées (22,4 %). Chez les personnes ayant été physiquement contraintes à un rapport sexuel, le risque suicidaire élevé culmine à 51,4 % (une personne sur deux !), les personnes n’ayant pas subi ce type de contrainte (autrement dit, un viol) étant 20,3 % à risque suicidaire élevé.

Ce dernier paramètre a un impact direct sur l’élément statistique d’ensemble. Si l’on ne comptabilise pas les élèves ayant subi un rapport sexuel forcé, les élèves ayant une discordance de l’orientation sexuelle présentent un risque suicidaire élevé supérieur de 60 % au risque des élèves sans discordance. Mais si l’on inclut les panélistes discordants ayant subi ce qui s’assimile à un viol, le taux de fort risque suicidaire est supérieur de 70 % par rapport celui des élèves sans discordance.

La comparaison des statistiques entre élèves avec/sans discordance de l’orientation sexuelle fait apparaître d’énormes différences au regard du risque suicidaire élevé.
En cas de harcèlement à l’école, le fort risque suicidaire affecte 40,2 % des élèves à orientation sexuelle concordante, mais 80,6 % des élèves à orientation sexuelle discordante. En cas de rapport sexuel sous la contrainte, le risque suicidaire élevé s’établit à 49,1 % chez les élèves concordants et à 74,7 % chez les élèves discordants, soit respectivement la moitié et les trois quarts des élèves ayant subi des abus sexuels.

Des conclusions alarmantes, mais précieuses

Les auteurs de l’étude estiment que leurs statistiques sont comparables à celles des études similaires menées sur la population adulte. Diverses variables (dépression, alcoolisme, usage de drogues) apparaissent plus fréquemment chez les personnes présentant une discordance de l’orientation sexuelle et des tendances suicidaires, tant chez les ados que dans les études consacrées aux adultes. Mais les chercheurs d’Atlanta se bornent à constater une simple concomitance faisant apparaître ces trois variables, sans conclure à une réelle causalité.

En revanche, l’équipe de Francis B. Annor suggère que les élèves à discordance de l’orientation sexuelle subissent et intériorisent le poids de la discrimination et de la stigmatisation sociales, voire du rejet. D’où le besoin de créer des environnements plus sécurisants et des cadres scolaires plus inclusifs et plus favorables aux minorités sexuelles. L’idéal serait sinon de promouvoir la diversité des orientations sexuelles, à tout le moins d’en reconnaître la diversité et de mieux lutter contre les discriminations.

Quelques faiblesses méthodologiques

Faute avouée est déjà pardonnée

Les auteurs de l’étude reconnaissent d’emblée n’avoir pas pris en compte le critère d’attirance sexuelle et n’avoir donc retenu que deux des trois ingrédients de l’orientation sexuelle (identité sexuelle, sexe des partenaires).

De même reconnaissent-ils que leurs statistiques, en s’appuyant en 2017 sur une méthodologie et une démographie datant de 2015 (corpus YRBS), sont perfectibles. Ce même corpus n’incluant que des élèves, il ne porte donc pas sur l’ensemble de la population adolescente aux États-Unis et minore peut-être un sous-groupe LGB (lesbiennes, gays, bis) susceptible d’être proportionnellement plus significatif parmi les ados déscolarisés.

Plus gênant dans un contexte américano-étatsunien, la notion de relation sexuelle (sexual contact) n’est pas du tout définie dans le questionnaire. Dans un pays dont un ancien président a affirmé, main sur la Bible, qu’une fellation ne constituait pas un « rapport sexuel »…

De même les auteurs reconnaissent-ils avoir sans doute minoré la proportion de LGB par le simple fait qu’ils ont éliminé toutes les réponses de type « ne sait pas » aux questions sur l’orientation sexuelle. Les ados n’étant pas toujours en mesure de déterminer avec certitude quelle est leur identité sexuelle, cela constitue un biais, de même que le fait d’avoir volontairement écarté les questionnaires des élèves s’identifiant comme bis.

Enfin, reconnaissent Francis Annor et son équipe, le fait qu’un ado expérimente à l’adolescence d’autres éléments de sexualité que celle à laquelle il dit appartenir n’est pas forcément illogique : cela fait partie d’un processus d’exploration et d’introspection naturel, voire fréquent à cet âge-là, sans forcément qu’il soit source de dépression ou de mal-être.

Faute non avouée…

On notera que l’échantillonnage présente plusieurs autres limitations plus ou moins gênantes.

L’étude porte sur des niveaux de scolarisation et non pas sur des tranches d’âge. Elle ne tient donc pas compte des élèves précoces (ayant sauté une ou plusieurs classes) ni surtout des redoublants. Or, on sait combien une simple année d’écart peut engendrer de considérables différences de perception dans la vie d’un ado.

Les principales carences de cette étude concernent le volet statistique. Les chercheurs reconnaissent n’avoir effectué aucun échantillonnage préalable. La représentativité de l’échantillon final ayant fait apparaître une surreprésentation des Noirs et des Hispaniques, il a fallu redresser les résultats.

Un tel redressement n’a pas été opéré sur la répartition par sexe. On se retrouve ainsi avec une grille d’analyse à fort déséquilibre de genre, avec 56 % de garçons et 44 % de filles.

L’aspect quantitatif de l’échantillon final n’inclut que 194 élèves se considérant comme gay ou lesbienne et 311 élèves présentant une discordance de l’orientation sexuelle. Sachant que l’étude porte sur l’ensemble des 50 États plus le District de Columbia, la valeur statistique et surtout la représentativité des résultats me semblent trop faibles. On espère que des études similaires, pour chaque État ou par zone régionale, fourniront bientôt des résultats plus pointus et plus fiables.

Notons enfin que seules des personnes vivantes ont répondu au questionnaire. C’est une évidence, mais cela signifie que les élèves ayant « réussi » leur suicide ne sont pas comptabilisés dans les résultats de l’étude. Le risque suicidaire réel est par conséquent supérieur aux chiffres obtenus d’après un panel d’élèves en état de répondre au questionnaire. Ce risque est d’autant plus grand que seules ont été retenues les idées, stratégies et tentatives de suicide au cours des douze mois écoulés, les comportements suicidaires plus anciens n’étant pas comptabilisés.

En conclusion

Les chercheurs d’Atlanta ont mené une étude dont les résultats, pour perfectibles qu’ils apparaissent, doivent dès maintenant guider les politiques d’éducation et de prévention vers des pratiques plus inclusives, en particulier à l’égard des gays, lesbiennes et bis.

Le chaînon manquant de cette étude – mais ce n’en était pas la thématique – a trait aux méthodes les mieux adaptées à la lutte contre l’homophobie, un combat d’autant plus essentiel qu’il s’agit, dans les cas les plus graves, d’une question de vie ou de mort.

L’étude montre en filigrane l’importance cruciale de structures d’écoute susceptibles d’éviter aux jeunes en souffrance un geste définitif et fatal. Tout aussi déterminants sont le coming out et sa réception par la famille, les amis et le milieu scolaire. Là aussi, il reste des progrès à faire – par tout le monde, y compris en dehors du cadre scolaire.

Références de l’étude : Sexual Orientation Discordance and Nonfatal Suicidal Behaviors in U.S. High School Students. Annor, Francis B. et al. American Journal of Preventive Medicine, Vol. 54, Issue 4, pages 530-538.

Love, Simon, de Greg Berlanti

Puisque l’on ne saurait minimiser l’importance du coming out, c’est par les médias de masse, en particulier le cinéma, que l’on peut en informer les ados d’une manière positive.

Ces jours-ci vient de sortir, outre-Atlantique, un film de Greg Berlanti intitulé Love, Simon (ci-dessus, bande-annonce officielle en anglais) et qui, justement, évoque la difficulté d’une sortie de placard et les premiers émois homoérotiques d’un adolescent. Ce long-métrage américain relate l’histoire de Simon (Nick Robinson) et des difficultés qu’il rencontre pour assumer son homosexualité au grand jour.

On peut préférer cette bande-annonce alternative, en anglais elle aussi :

Le cinéaste québécois Xavier Dolan souligne la manière positive dont le film de Greg Berlanti aborde le sujet du coming out.

Ci-dessous, la bande-annonce du film intitulé Avec amour, Simon en version canadienne-française. Le film sortira en France le 27 juin 2018.

Speak no Evil, d’Uzodinma Iweala

Les auteurs de l’étude d’Atlanta ont soigneusement évité toute référence à la religion. Tout juste ont-ils parlé de « norme sociale » et de « pression sociale » comme « facteurs de stress » à même de mener au mal-être et de l’amplifier, en particulier chez les ados présentant une discordance de l’orientation sexuelle.

Speak no Evil (cover)
Speak no Evil, d’Uzodinma Iweala, publié chez HarperCollins.

Dans son roman Speak no Evil, l’écrivain américain Uzodinma Iweala raconte l’histoire de Niru, fils d’immigrés nigérians, qui fait la fierté de ses parents (tant qu’il reste dans le placard). Logique, puisqu’il est jeune, beau, sportif, cultivé et que le lycéen se dirige tout droit vers de brillantes études à Harvard. Notons que comme le narrateur, l’auteur est fils d’immigrés nigérians et qu’il a fait ses études à Harvard.

Tout irait bien sans l’extrême piété de ses parents, des gens tellement pieux qu’ils sont de véritables fous de Dieu, mus de surcroît par une homophobie qui confine à la folie furieuse. Pour eux, être gay revient à incarner le mal absolu. Quand ils apprennent l’homosexualité de leur fils, le père et la mère le bombardent de religiosité, lui infligeant ce que l’on peut assimiler à une thérapie de conversion qui ne dit pas son nom.

Pas encore lu ce livre, mais l’histoire et l’auteur semblent dignes d’intérêt.

Philca / MensGo

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