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Pourvu qu’il soit heureux, de Laurent Ruquier, ou le coming out inversé

(Blogmensgo, blog gay du 5 octobre 2018) Le coming out a pour conséquence de révéler, aux yeux de toute leur famille et en particulier de leurs parents, l’orientation sexuelle d’un gay, d’une lesbienne ou l’identité de genre d’une personne trans. L’animateur, humoriste et dramaturge français Laurent Ruquier en a fait de thème de sa dernière pièce, Pourvu qu’il soit heureux. Résultat, une œuvre gravement drôle mais aussi drôlement grave, où Laurent Ruquier – qui a publiquement révélé son homosexualité il y a plus de vingt ans – a réinventé une partie de son histoire personnelle.

Affiche Pourvu qu'il soit heureux
Pourvu qu'ils soient tous heureux ! ©theatre-antoine.com

Un coming out tel qu’il est vécu par les parents

Les paroles du titre, « Pourvu qu’il soit heureux », sont prononcées successivement par Claudine (Fanny Cottençon) et par Maxime (Francis Huster), les parents de Camille (Louis Le Barazer). Et peut-être même aussi, en pensée, par Camille lui-même. Pour cette histoire de coming out, l’auteur a consigné deux scénarios tels qu’a pu les imaginer son personnage principal – au sens où toute l’intrigue tourne autour de lui – transformé en Arlésienne puisqu’on ne le voit apparaître qu’au troisième et dernier acte.

Dévoilant par une photo de couverture la relation sans ambiguïté entre un homme très connu et le jeune Camille, un journal à potins provoque un outing de Camille dont une conséquence majeure ne sera révélée qu’en fin de troisième acte, à l’occasion d’un rebondissement inattendu.

Laurent Ruquier a structuré sa pièce sur un mode comparable au sempiternel schéma thèse-antithèse-synthèse, mais avec le didactisme en moins et la créativité en plus.

Dans le premier acte, sous-titré « Hypothèse 1 », le père est un homophobe coincé – désolé pour le pléonasme – que tente de raisonner sa femme à l’esprit post-soixante-huitard beaucoup plus ouvert. Le deuxième acte, sous-titré « Hypothèse 2 », inverse les rôles et met en scène une mère catho réac et un père très compréhensif. Les deux « hypothèses » en question sont celles qu’imagine le fils, Camille, dont le personnage n’apparaît qu’au troisième acte, lui-même sous-titré « Réalité finale ».

De fait, Camille imagine et démonte un à un la mécanique et les arguments que des esprits mal informés ou déficients pourraient élaborer à l’encontre des gays, des lesbiennes et d’une homosexualité qu’ils jugent sans comprendre.

Camille : Cette histoire d’animaux homosexuels, c’est un argument idiot pour contrer les homophobes qui pensent que c’est contre nature, mais ce qui est contre nature, c’est l’homophobie ! Ça c’est vrai, on ne trouvera jamais un animal homophobe.
(Pourvu qu’il soit heureux, acte 3)

Laurent Ruquier utilise dans Pourvu qu’il soit heureux une recette comparable à celle qu’emploie son confrère Benoit Solès dans La Machine de Turing. Alors que Solès confie plusieurs rôles secondaires à un même acteur, Ruquier inverse les rôles qu’incarnent deux des trois acteurs. Il en résulte un double « morceau de bravoure » lié à l’interprétation, mais aussi une plus grande complicité des spectateurs, à qui l’on donne un plus grand choix d’identification empathique.

Drôle, mais pas caricatural

De toute évidence, Laurent Ruquier a mis beaucoup de lui-même dans cette pièce. En atteste jusqu’au nom du magazine (Voici) mentionné dans la pièce, c’est-à-dire le même titre emblématique de la presse française de caniveau qui, en photographiant Ruquier, avait jadis outé son compagnon de l’époque.

Les similitudes s’arrêtent là, puisque le « vrai » Laurent Ruquier a fait son coming out il y a deux décennies à l’occasion d’un seul en scène (ou one-man-show en franglais) et que sa famille était, si l’on peut dire, aux premières loges.

Je ne m’inscris pas dans une logique communautaire. Je suis favorable aux avancées sociétales en faveur des homosexuels – comme le mariage et, qui sait, à terme, la GPA –, mais je ne suis pas un militant. Je sais simplement de quoi je parle. Aussi j’espère avoir traité le sujet avec pertinence.
(Laurent Ruquier, dans L’avant-scène théâtre du 15 septembre 2018)

On pourrait reprocher le choix d’interprètes beaucoup vieux que l’âge supposé de leurs personnages. Certes, Fanny Cottençon a 61 ans et Francis Huster a 70 ans, mais il faut bien reconnaître que l’on aurait difficilement trouvé meilleurs talents pour ces deux rôles.

On peut trouver le rebondissement final quelque peu excessif, mais force est de reconnaître que la « chute » – j’emploie ce mot à dessein – de la pièce est bouleversante et qu’elle donne prétexte à une ultime réplique puissante et mémorable.

Le texte de la pièce ne manque pas de drôlerie. On y verra toutefois moins d’humour et d’ironie que dans la plupart des précédentes œuvres de Laurent Ruquier. Le sujet principal n’est ni l’homosexualité ni véritablement le coming out en tant que tel, mais la mise à nu des ressorts qui font de l’homophobie une mécanique effrayante… et compréhensible.

La thématique de la pièce et sa dimension manifestement très personnelle aux yeux de son auteur expliquent en partie que Pourvu qu’il soit heureux soit aussi – surtout ? –une œuvre qui donne à réfléchir. C’est d’autant plus flagrant que Ruquier prend soin d’éviter les outrances caricaturales à relents homophobes qu’auront infligées au public, pendant plus d’un siècle, de nombreux dramaturges à gros sabots. Ce n’est pas là le moindre mérite de Laurent Ruquier – on s’en convaincra en allant voir la pièce ou en en lisant le texte.

Pour en savoir plus
Pourvu qu’il soit heureux, une pièce en trois actes de Laurent Ruquier, mise en scène par Steve Suissa, créée le 13 septembre 2018 au Théâtre Antoine – dont Ruquier était le codirecteur jusqu’en août 2018 – et interprétée par Fanny Cottençon, Francis Huster et Louis Le Barazer.
À voir du 13 septembre au 30 décembre 2018 au Théâtre Antoine, à Paris (jusqu’à 61 euros la place).
À lire dans L’avant-scène théâtre du 15 septembre 2018 (n° 1448, 90 pages, 14 euros).

Philca / MensGo

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