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L’UE accorde un droit de séjour sans restriction au conjoint non européen d’un couple gay

(Blogmensgo, blog gay du 7 juin 2018) Aucun État membre de l’Union européenne, même s’il interdit les unions homosexuelles, ne peut refuser à un Européen le bénéfice d’un droit de séjour de longue durée pour son conjoint de même sexe, et ce même si la nationalité de son conjoint est extérieure à l’UE. Ainsi en a décidé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 5 juin 2018, après saisine par la Cour constitutionnelle de Roumanie, elle-même consécutive à la demande d’un couple gay roumano-américain et de l’association roumaine Accept, dans une affaire les opposant à l’inspection générale roumaine chargée de l’immigration et au ministère roumain de l’Intérieur.

Un arrêt décisif

Outre les règles communautaires habituelles relatives à la libre circulation des personnes, la CJUE appuie plus précisément son argumentation sur deux éléments de la directive du 29 avril 2004.
L’un de ces éléments considère comme « membre de la famille » le cosignataire d’un « partenariat enregistré » (pacs) « sur la base de la législation d’un État membre [où] les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage ».
L’autre élément interdit les discriminations relatives notamment à l’orientation sexuelle.

« Il s’ensuit que la directive 2004/38 […] n’est pas susceptible de fonder un droit de séjour dérivé en faveur de M. Hamilton » (le conjoint de nationalité américaine), admet dans un premier temps la CJUE (alinéa 21), mais en précisant aussitôt « que des ressortissants d’États tiers […] pouvaient toutefois se voir reconnaître un tel droit ». En l’occurrence, énonce l’arrêt en son alinéa 24, si « une vie de famille s’est développée ou consolidée dans cet État membre » (la Belgique), alors il faut « que la vie de famille que ce citoyen a menée dans ledit État membre puisse être poursuivie lors de son retour dans l’État membre dont il possède la nationalité » (la Roumanie).

La notion de conjoint « est neutre du point de vue du genre et est donc susceptible d’englober le conjoint de même sexe », précise l’arrêt (alinéa 35). Ménageant diverses particularités nationales d’inspiration homophobe (les gouvernements de Lettonie, de Hongrie et de Pologne ont témoigné en faveur de la Roumanie dans cette affaire), la CJUE soutient que « reconnaissance aux seules fins de l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers ne méconnaît pas l’identité nationale ni ne menace l’ordre public de l’État membre concerné ». Autrement dit, un cas particulier ne met pas du tout en danger le cas général.

Et la CJUE de conclure (alinéa 51) que…

[…] dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union a fait usage de sa liberté de circulation, en se rendant et en séjournant de manière effective […] dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, et a développé ou consolidé à cette occasion une vie de famille avec un ressortissant d’un État tiers de même sexe, auquel il s’est uni par un mariage légalement conclu dans l’État membre d’accueil, l’article 21, paragraphe 1, TFUE [traité de Rome] doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité refusent d’accorder un droit de séjour sur le territoire de cet État membre audit ressortissant, au motif que le droit dudit État membre ne prévoit pas le mariage entre personnes de même sexe.

Telle était la première conclusion de la CJUE. En résumé : la non-prise en considération par un État européen d’un mariage homo légalement contracté dans un autre État européen n’est pas admissible.

La seconde conclusion va dans le même sens : un État de l’Union européenne ne peut pas restreindre un droit à visa de séjour long – supérieur à trois mois – au motif que le conjoint est de même sexe que le ressortissant de l’État d’accueil.

Rappel des faits

Après avoir vécu plusieurs années en couple à New York, un citoyen roumano-américain (R.A. Coman) et un citoyen américain (R.C. Hamilton) se sont mariés, à Bruxelles, le 5 novembre 2010. L’inspection roumaine à l’immigration refuse depuis 2012 au ressortissant américain un visa de séjour long – supérieur à trois mois – en Roumanie en vertu du regroupement familial, au motif que le conjoint américain ne peut pas être considéré comme faisant partie de la famille du ressortissant roumain puisque le code civil de Roumanie ne reconnaît pas le mariage homosexuel.

Le couple a intenté une action judiciaire, mais le tribunal de première instance a demandé un avis préjudiciel à la Cour constitutionnelle (Curtea Constituţională), qui s’est elle-même tournée en décembre 2016 vers la CJUE afin d’obtenir là aussi un avis préjudiciel (c’est-à-dire un avis extérieur avant de statuer). La plus haute juridiction roumaine voulait notamment connaître la définition applicable au mot « conjoint » et savoir si la nationalité non européenne du conjoint était susceptible de modifier la donne.

L’arrêt de la CJUE devra être mis en application par la Cour constitutionnelle de Roumanie, qui transmettra ses conclusions au tribunal de première instance afin que l’affaire puisse enfin être jugée.

La Roumanie refuse de légaliser le mariage homo et n’a pas institué non plus de pacs gay. Plusieurs tentatives de révision constitutionnelles ont échoué à faire définir le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. En revanche, le mariage entre personnes de même sexe est parfaitement légal en Belgique.

Commentaire. La CJUE s’est adonnée à un bel exercice de jésuitisme judiciaire. Son raisonnement considère comme légitime la demande de visa d’un couple gay pacsé dans un pays qui ne reconnaît pas les unions homosexuelles, et comme tout aussi légitime la législation nationale qui prohibe les unions homosexuelles.

Sur la forme, cela revient à dire que la rareté des demandes de visa long dans un tel contexte ne saurait gêner un pays, aussi homophobe soit-il. Sur le fond, cela revient à dire que l’homophobie peut fort bien s’accommoder de l’homosexualité et que l’homosexualité peut faire bon ménage avec l’homophobie.

On ne sait trop qui est chèvre ou chou dans cette affaire, mais à trop vouloir ménager et la chèvre et le chou, on prend des décisions contestables tant par la chèvre que par le chou.

 

Bucarest en ébullition arc-en-ciel

Update du 11 juin 2018. Dans la capitale roumaine Bucarest, le 9 juin 2018, la 14e Gay Pride bénéficiait de trois icônes circonstancielles et néanmoins bienvenues : le récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le couple de gays grâce à qui cette emblématique décision de justice a été prononcée. En effet, Relu Adrian Coman et son conjoint américain Robert Claibourn Hamilton participaient au défilé, en compagnie de 3.000 à 10.000 personnes LGBT et de plusieurs personnalités roumaines et étrangères.

Le nombre de participants varie selon les sources. On présume que les deux nombres ci-dessus correspondent respectivement aux personnes dans le cortège et aux personnes regardant défiler le cortège.

Adrian et Claibourn sont en couple depuis seize ans, c’est-à-dire depuis un an après la dépénalisation de l’homosexualité en Roumanie. Ils ont posé de bonne grâce pour un nombre incalculable de selfies, chacun voulant immortaliser l’événement en leur compagnie, comme on le voit ci-dessous dans un bref reportage d’Euronews en français.

Paul Brummell et Cord Meier-Klodt, ambassadeurs du Royaume-Uni et de l’Allemagne, ont ouvert le cortège aux côtés d’Angela Cristea, cheffe de la représentation de la Commission européenne en Roumanie.

Le défilé a transformé en un parcours arc-en-ciel et festif l’avenue de la Victoire (Calea Victoriei), qui est à Bucarest ce que sont les Champs-Élysées à Paris ou la 5e Avenue à New York. Bien que la société roumaine soit en majorité homophobe, ce parcours inédit contraste avec l’espace clos des précédentes Gay Prides dans la capitale et suggère une société – légèrement – plus tolérante que naguère.

Pour ceux qui préfèrent l’actu en allemand, voici le tout aussi bref reportage d’Euronews en allemand consacré à la Gay Pride 2018 à Bucarest.

Tout ce beau monde était encadré par une présence policière massive. Non pas pour empêcher les fêtards de modifier le parcours ou de quitter le cortège, mais pour faire tampon et éviter toute collision avec des contre-manifestants.

Car au même moment, une contre-manifestation rassemblait des individus épris de « normalité », ivres de christianisme orthodoxe et voulant soumettre à référendum l’idée idiote qu’un mariage ne peut unir que deux personnes de sexes opposés. La contre-manifestation était organisée par le Parti social-démocrate (PSD, au pouvoir), ce qui explique pourquoi elle n’a pas été interdite.

Les gens qui liraient ce texte sans maîtriser d’autre idiome que l’anglais se consoleront avec le reportage d’Euronew en anglais britannique…

À noter que Petre-Florin Manole, jeune député du PSD, milite en revanche contre un tel référendum et pour l’institution d’un pacs en Roumanie le plus vite possible.

Pour ceux qui voudraient en voir un peu plus, voici un reportage roumano-roumain en son direct non commenté. Où l’on constate la présence du désormais célèbre couple américano-roumain en mission commando selfies. Espérons que les chars – pas ceux de l’armée ! – feront leur apparition à Bucarest pour une Gay Pride encore plus festive en 2019. Afin de saluer la légalisation, entre-temps, du pacs homo, voire du mariage gay en Roumanie ? Et pourquoi pas ?…

Philca / MensGo

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